Cloé Simon est l’architecte fondatrice de l’Atelier Fyri. Diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie, elle a eu l’opportunité de travailler dans l’agence Quinze Architecture à Rennes, pendant 8 ans. Revenue dans son pays natal depuis peu, Cloé a fondé sa propre structure. Aujourd’hui, elle répond à cette question dans un nouvel article « Paroles d’expert », dans lequel elle nous parle de la dimension éco-responsable et biosourcée d’une rénovation.
Dans notre ère marquée par une prise de conscience environnementale croissante, l’éco-responsabilité ne se présente plus comme une simple tendance, mais plutôt comme un impératif crucial. Elle s’affirme comme une nécessité impérieuse face aux défis environnementaux, dans notre métier d’architecte.
Notre rôle doit désormais s’aligner sur des principes durables pour atténuer notre impact sur notre écosystème.
L’architecture, de plus en plus consciente de ses responsabilités environnementales, a vu émerger de nouveaux concepts comme les maisons passives, les bâtiments basse consommation (BBC) et l’utilisation de matériaux biosourcés. Mais comment intégrer ces idées dans une rénovation, avec un budget réduit ?
Qu’est ce que l’éco-responsabilité dans un projet d’architecte ?
En tant qu’architecte, concevoir un projet éco-responsable et biosourcé implique une vision d’ensemble. C’est une approche globale qui doit viser à minimiser l’impact environnemental d’une rénovation.
Cela implique à la fois de chercher à réduire les énergies grises (énergie nécessaire à la production des matériaux utilisés), tout en cherchant à optimiser l’énergie primaire (énergie consommée par le bâtiment en activité).
Énergie grise VS énergie primaire : quesaco ?
Pour les énergies grises, il s’agit de limiter les matériaux polluants (solvants, béton, colle, etc.) pour favoriser les matériaux biosourcés.
À l’opposé de ces éléments provenant d’énergies fossiles, les matériaux biosourcés, eux, sont issus d’un système local, ou de matériaux renouvelables (bois, chanvre, chaume, enduit en terre…). Ce sont des matériaux provenant de la biomasse, d’origine minérale ou géo-sourcé, dont l’impact environnemental à la création est très contrôlé.
Chacun a des propriétés techniques bien précises. Certaines laine de coton permettent une bonne isolation acoustique, le liège ne pourrit pas, la terre et la chaux traitent l’hygrométrie, et permettent à un mur en pierre d’être respirant.
Quant à l’énergie primaire d’un bâti – énergie consommée par le bâtiment en activité – il s’agit de traiter l’enveloppe du bâtiment pour qu’elle soit performante et quasi sans failles : c’est à direpasser au peigne fin différents aspects comme l’isolation, l’étanchéité à l’air et l’équilibre thermique pour réduire les déperditions énergétiques.
La rénovation éco-responsable favorise des solutions durables, esthétiques et techniquement efficaces, contribuant ainsi à une conception plus respectueuse de l’environnement.
Tout est une question d’équilibre entre les matériaux utilisés pour la conception, et l’utilisation quotidienne de l’habitation. En pensant bien la rénovation en amont, on peut diviser par 10 la consommation énergétique d’une maison !
Pouvez-vous nous parler d’un exemple de projet de rénovation dans lequel vous avez réussi à apporter une dimension éco-responsable et biosourcée ?
Oui, bien sûr ! J’aimerais vous parler d’un projet de rénovation et de transformation d’une bâtisse datant de 1958, en une maison BBC contemporaine. Dans « son jus », cette maison était tout à fait classique : de l’enduit en ciment sur les façades extérieures et de l’amiante sur le toit.
La maîtrise d’ouvrage souhaitait transformer cette bâtisse sans charme, en un lieu de vie convivial tout en gardant une éthique environnementale.
Ce projet, de premier abord classique – une maison avec trois chambres et une salle de bain, s’est révélé être le terrain de jeu idéal pour une rénovation audacieuse et respectueuse de l’environnement. En effet, derrière une façade sans prétention, se cachait un potentiel énorme : des murs robustes en pierre, une charpente et des planchers en chêne !
Une démarche éco-responsable, de la conception à la réalisation du projet
Identifier les ressources déjà présentes sur place
D’apparence sans qualité à première vue, la bâtisse a fini par nous révéler ses atouts cachés. Lors du curage de la structure, on a confirmé que toute la maison était en pierre, et que la charpente et le plancher étaient en chêne. Un réel avantage pour réutiliser ces matériaux lors des travaux !
Nous avions alors toutes les clés en main pour concevoir une maison compacte avec une bonne partie des éléments déjà sur place. Bien orientée, et avec des murs en pierre assez épais, la base sur laquelle travailler était bonne.
Utiliser des matériaux biosourcés
Le défi était malgré tout de taille pour ce projet : comment conserver l’âme de cette maison, tout en l’adaptant aux standards du confort moderne et de l’efficacité énergétique ? La réponse a été trouvée dans l’utilisation judicieuse de matériaux biosourcés et dans une conception bien réfléchie.
L’intérieur a été entièrement repensé : suppression des cloisons superflues, création d’ouvertures supplémentaires pour maximiser la lumière naturelle, une isolation renforcée avec de la laine de bois et un bardage extérieur traité à l’huile de lin pour un effet bois brûlé.
Chaque décision, du triple vitrage à l’isolation des murs en pierre, a été prise avec pour objectif de créer une enveloppe thermique performante. Les murs en pierre ont été traités pour l’étanchéité à l’air afin de permettre une enveloppe plus performante.
Tandis que les pignons sont conservés et traités avec un rejointoiement à pierre vue, les autres ont été recouvert d’enduit terre. Le résultat ? Une maison où le charme de l’ancien se marie harmonieusement avec les standards les plus élevés de l’éco-responsabilité.
Faire des choix techniques autour de la thermique pour un confort durable
La thermique d’un bâtiment est l’un pilier central pour assurer un confort durable et optimiser l’efficacité énergétique.
En plus d’une nouvelle isolation en toiture, d’une nouvelle ventilation et d’une nouvelle chaudière, nous avons également choisi de conserver les radiateurs en fonte existants. Ces éléments, bien qu’anciens, offrent une capacité de chauffe douce et diffuse, qui contribue au confort thermique général. En complément, un poêle à bûches a été ajouté dans le salon. Il permet une chaleur plus naturelle et agréable, et ajoutant un charme authentique à l’espace de vie. Ces interventions assurent une distribution homogène de chaleur dans toute la maison.
Ces choix techniques se sont avérés extrêmement efficaces. Initialement, la maison avait une consommation énergétique de 350 kWh/m²/an. Après rénovation, ce chiffre est tombé à 37 kWh/m²/an (hors bûches pour le poêle). À titre de comparaison, les maisons conformes aux standards BBC consomment entre 50 et 70 kWh/m²/an. Tandis que la moyenne nationale pour les maisons classiques se situe autour de 250 kWh/m²/an. Avec cette rénovation, nous nous approchons des performances des maisons passives, qui consomment environ 15 kWh/m²/an de chauffage.
Cette réduction spectaculaire de la consommation d’énergie démontre qu’avec des choix techniques judicieux et une approche réfléchie, il est possible de transformer radicalement l’efficacité énergétique d’un bâtiment existant.
Une mise en œuvre parfois délicate
Cette transformation n’a pas été sans embûches. Entre le désamiantage de la toiture en pleine tempête et la découverte d’un pignon plus fragile qu’attendu, le projet a connu son lot de surprises. Pendant la création de nouvelles ouvertures, la pointe du pignon est tombée, provoquant un stress considérable. Heureusement, les artisans, aguerris à ce genre de situations, ont pu reconstruire rapidement la partie endommagée.
De plus, la phase de désamiantage de la toiture s’est déroulée en pleine tempête, ajoutant une difficulté supplémentaire. La bâche de protection risquait de s’envoler à tout moment, créant une situation de tension permanente. La pression était immense pour le couvreur. Il devait intervenir le plus rapidement possible pour sécuriser la toiture et permettre la poursuite des travaux.
Une planification minutieuse et une collaboration étroite avec des artisans spécialisés permettent de surmonter ces difficultés. Chaque étape a été soigneusement coordonnée pour garantir la sécurité et l’efficacité du projet.
Le mot de la fin ?
La rénovation éco-responsable et biosourcée nécessite une approche équilibrée entre conception et utilisation des matériaux. Prioriser l’enveloppe thermique et les raccords est essentiel.
Les matériaux biosourcés, avec leurs propriétés techniques et esthétiques, offrent une nouvelle façon de concevoir l’architecture, apportant une âme unique aux espaces.
© Réalisations et photographies : Cloé Simon de l’Atelier Fyri
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